Pour redonner son sens et ses valeurs à l’hôpital public

5 décembre 2018 par APH

Le 18 septembre, le Président de la République et la Ministre de la Santé doivent présenter leur plan de transformation du système de santé. Ces mesures sont très attendues, tant les 15 dernières années ont vu une dégradation inexorable des conditions de prise en charge des patients, et des conditions de travail des soignants.

Au sein du système de santé, l’Hôpital est une institution très importante pour les Français, et les mesures qui seront proposées ne pourront faire l’impasse d’une transformation de l’hôpital, de la place des acteurs au sein de ce service public, et de la place des médecins, tant les années d’incurie passées les ont conduit à se détourner de l’exercice hospitalier.

Il est urgent de mettre en place des mesures fortes destinées à redonner aux carrières hospitalières une attractivité et une lisibilité qu’elles ont perdues, à redonner du sens au travail et à l’engagement dans la carrière, pour toutes les générations. C’est l’avenir du Service Public Hospitalier qui en dépend.

Mesures d’attractivité des carrières médicales, pharmaceutiques et odontologiques à l’hôpital public

Mesures statutaires

L’exercice de la médecine est un travail d’équipe, particulièrement à l’hôpital. Il est important que les équipes médicales soient solidaires entre elles et pour cela, un statut commun est un atout et une nécessité. La multiplication des situations statutaires différentes entre praticiens contribue à disloquer le travail en équipe ; cette dislocation est renforcée par l’intérim, conséquence de la perte d’attractivité des carrières hospitalières. Il est urgent de reconstruire un statut commun pour tous les médecins, pharmaciens et dentistes hospitaliers, qui permette d’attirer les jeunes praticiens et d’y garder les moins jeunes. Les équipes doivent être stabilisées, pour cela il faut redonner de l’équité entre praticiens, tout en permettant des évolutions de carrières individuelles selon les appétences de chacun.

Il faut donc deux types de statut, un pour les titulaires, et un pour les contractuels :

  • Statut unique de praticien hospitalier titulaire, fusionnant les statuts temps plein et temps partiel, hospitalier ou hospitalo-universitaire, avec suppression de la période probatoire si le praticien a un an d’ancienneté dans la structure, et facilitation du passage entre temps plein et temps partiel (après accord du praticien et de l’hôpital). Un système de valences, contractualisées, s’inscrivant au sein de ce statut unique de PH permettra d’assurer les fonctions d’enseignement, de recherche et de management local ou territorial, pour une quotité de temps de travail et une durée déterminée par contrat avec l’université et/ou l’hôpital. Ce système de valences permet d’intégrer les statuts hospitalo-universitaires qui resteraient sous la double tutelle du Ministère de l’Enseignement et de la Recherche et du Ministère de la santé selon les valences attribuées. La retraite des HU doit être élargie à l’ensemble de leurs rémunérations.
  • Statut unique de praticien contractuel, englobant les statuts actuels de praticien attaché et assistants et tous les statuts intermédiaires.
  • Une nouvelle grille de rémunération, permettrait en début de carrière de limiter le différentiel avec les rémunérations du libéral, et de valoriser la carrière publique de ceux qui la lui ont consacrée. Une même rémunération pour la permanence des soins, quel que soit le statut, est nécessaire.
  • Afin de lutter contre l’intérim, possibilité de valoriser un type d’emploi de contractuel remplaçant, en contrat court, avec gestion régionale (ARS) et nationale (CNG) des postes offerts pour une transparence totale, avec ancienneté d’échelons doublés une fois titularisés, et rémunération à l’échelon 10 actuel.
  • Clarification de la durée du temps de travail avec application de la réglementation.
  • Introduction du concept de pénibilité dans la carrière, couplée avec l’aménagement des fins de carrière.
  • Couverture sociale et retraite : alignement sur le statut de PH temps plein, extension du dispositif de retraite progressive à tous les praticiens, et prise en compte de la pénibilité.

Mesures institutionnelles : Gestion des carrières individuelles

Une véritable gestion des carrières dans le temps doit être proposée à tous les praticiens, avec trois moments forts :
" en début de carrière (projet de carrière avec entretien individuel et contractualisation des valences diverses, accompagnement social type place en crèche).
" en milieu de carrière (évaluation de la satisfaction au travail, de la qualité de vie au travail, des valences réalisées et de celles envisagées, de l’engagement dans la vie institutionnelle par entretien individuel, du DPC réalisé , projet de reconversion éventuelle).
" en fin de carrière (évaluation de la satisfaction au travail et de la qualité de vie au travail, projet éventuel de transmission du savoir ou de soutien, nouvelles valences, gestion des équipes, projet éventuel de retraite progressive).

Organisation du travail

Il faut libérer du temps médical, en déchargeant les médecins de tout le travail administratif qui n’est pas strictement médical, grâce à un secrétariat médical, adapter le numérique à l’exercice médical et pas aux exigences administratives, ce qui permettrait le développement de la télé-médecine. Les moyens du " bon travail " doivent être financés (bureau, secrétariat, informatique, codes etc). La coopération interprofessionnelle doit être guidée par une amélioration du service rendu au patient et aux acteurs, en dehors de tous autres enjeux. La pertinence des soins doit être construite et évaluée par les acteurs eux-mêmes, et restituée en CME si besoin.

Des moyens doivent être donnés au dialogue social de proximité et à la médecine du travail, afin de permettre un recours en cas de souffrance au travail ou de conflit local. En particulier, il est indispensable d’évaluer les conditions de travail sur des lieux partagés au sein des GHT : qualité de vie, adhésion au projet professionnel.

Le lien fonctionnel entre praticiens hospitaliers et personnel non médical doit être retrouvé, non pour recréer une forme de mandarinat mais pour permettre un travail en équipe efficace sans clivage entre professions.

Place des praticiens à l’hôpital

La perte d’attractivité des carrières hospitalières est liée aussi à la place insuffisante des praticiens dans l’organisation hospitalière. Il faut redonner un nouveau souffle à la démocratie interne et à la parole médicale au sein de l’institution, et à l’autonomie professionnelle. Le projet médical et territorial doit être construit et appliqué avec les acteurs, et pas une construction administrative top down. Cela passe par un management participatif, axé sur l’information, la concertation et l’évaluation. Il faut cesser ce management par les normes, les indicateurs, le benchmarking et leur corollaire les humiliations permanentes, afin de promouvoir une gestion bienveillante. Les postes à responsabilité institutionnelles doivent être soumis à évaluation avant d’être renouvelés. La composition de la CME doit être revue, pour permettre une vraie représentation des médecins, et leur redonner confiance aux institutions.

Les objectifs d’ordre financier ne doivent plus être les principaux motifs des décisions hiérarchiques, ce qui sera permis par une obligatoire réforme du financement des hôpitaux, la T2A n’étant applicable qu’aux actes et pas aux parcours médicaux complexes.
La Qualité de vie au Travail doit devenir un objectif essentiel du management pour permettre d’obtenir tous les autres objectifs en terme de sécurité des soins et d’efficience financière.

Toutes ces mesures, qui sont détaillées dans un document plus technique envoyé ce jour aux instances gouvernementales, sont incontournables si on veut redonner à l’hôpital le souffle qu’il mérite, au sein d’un système de santé revu globalement. Rater une nouvelle fois cette transformation, c’est retirer aux citoyens une forte possibilité d’être soigné correctement. La période passée montre bien que les français ont compris les enjeux, la période à venir doit répondre à leurs attentes : un service public fort, bien organisé où les acteurs soient heureux de travailler.

Contacts :

Jacques Trévidic, Président CPH, Président APH
Renaud Péquignot, Président AH, Vice-président APH
Marc Bétremieux, Secrétaire général APH
Raphaël Briot, Trésorier APH
Nicole Smolski, Présidente d’honneur APH