APH FRANCE

Une prime de risque pour accoucher

3 décembre 2025 par APH

En résumé : Une mesure controversée

La communauté de communes et la mairie de Saint-Amand-Montrond ont récemment annoncé leur intention d’accorder une prime de 1 000 euros à chaque femme acceptant d’accoucher dans la maternité locale. Cette initiative s’inscrit dans un contexte de fragilité pour cette structure, qui ne réalise que 200 accouchements par an, soit bien en dessous du seuil critique de 300 accouchements annuels généralement requis pour garantir la sécurité et la qualité des soins. La maternité de Saint-Amand-Montrond ne maintient son activité que grâce à une dérogation exceptionnelle de l’Agence Régionale de Santé (ARS).
L’objectif affiché de cette prime est d’inciter les futures mères, notamment celles résidant aux limites du département, à choisir cette maternité plutôt que de se rendre dans d’autres établissements, parfois plus éloignés mais mieux équipés. Cependant, cette mesure a suscité une vive opposition de la part des professionnels de santé, qui y voient une décision amorale, électoraliste et dangereuse pour la sécurité des patientes et des nouveau-nés.


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communiqué

Il semblerait que la communauté des communes et la mairie de Saint Amand – Montrond s’apprêtent à voter l’octroi de mille euros à chaque femme qui acceptera d’accoucher dans la maternité de l’hôpital de Saint Amand Montrond : une maternité sous le seuil critique de 300 accouchements par an, n’ayant obtenu une autorisation de soins malgré ses 200 accouchements annuels que grâce à une dérogation de l’ARS [1]. Il s’agit de dissuader les futures mamans « aux limites du département » d’aller accoucher dans une autre maternité…

Il y a près de six mois, nous, gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, pédiatres, urgentistes, nous insurgions vivement contre la proposition de loi issue de la niche parlementaire LIOT, adoptée par l’Assemblé Nationale, en inscrivant dans la loi un moratoire sur les fermetures de maternité [2]. Cette mesure, sous prétexte d’accès aux soins pour tous et d’un mirage de sécurité et de qualité des soins, avait été imaginée sans aucune concertation avec les professionnels concernés et n’a pas encore été étudiée par le Sénat.

Une maternité, quand elle est menacée de fermeture, ne l’est pas pour des raisons économiques mais pour des raisons de sécurité. Avec un rythme de quasiment un accouchement tous les deux jours, il n’est pas possible d’avoir une expertise suffisante pour prévenir et pallier des complications aux conséquences potentiellement vitales, qui impliquent généralement plusieurs disciplines à la fois, pour des décisions à prendre dans la minute. Dans le cas précis, d’autres maternités existent, dont l’une à une trentaine de minutes.

Le choix d’une maternité ne doit pas être influencé par la perspective d’une récompense financière. Ce principe nous semble totalement amoral, visant à faire préférer à une certaine population – probablement précaire, moins bien informée – une solution économique à une solution de sécurité et de qualité des soins. Il s’agit d’une mesure purement électoraliste, à proximité des élections municipales, et indigne d’un « responsable » politique !

Le sujet de la proximité n’a pas à être éludé. Au lieu d’essayer de faire tenir une maternité en dessous d’un seuil critique déjà très bas de sécurité, dans un contexte de baisse de la natalité et de pénurie de personnels de la salle de naissance, et de baisse régulière de la population locale, que ne s’emploie le politique d’organiser la transformation de l’offre de soins pour regrouper les activités dans des salles de naissances sécuritaires, reconvertir les structures trop petites en centre de périnatalité de proximité pour le suivi de grossesse et le post-partum… et organiser la prise en charge des patientes comme on le fait pour d’autres filières de soins (filières de soins des infarctus du myocarde, des AVC etc.) ?

Le ministre Yannick Neuder s’était engagé, en juillet 2025, à rouvrir enfin le sujet de la périnatalité en septembre 2025 et nous avait reçu dans ce sens. Malheureusement cet engagement n’a pas survécu au énième changement de gouvernement et au énième changement de ministre chargé de la santé…Pour mémoire, une révision du décret de périnatalité – lequel date de 1998 – avait été commencée en 2018-2019. Ces travaux avaient permis de sérier les évolutions de ce décret, sur 2 points précis :

● Une adéquation des effectifs (sage-femmes, gynécologues-obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs et infirmiers anesthésistes) à la taille des maternités : élément majeur de l’attractivité des salles de naissances pour ces professionnels, leur permettant de constituer des équipes stables et de travailler dans une ambiance sécuritaire.
● Une labellisation des maternités par niveau adapté au risque maternel, à l’instar de ce qui existe pour les enfants à naître. Cette double définition (risque néonatal ET risque maternel) permettrait d’identifier, a priori et le cas échéant a posteriori, un adressage adapté de la mère et de l’enfant au bon endroit, dans le cadre d’un maillage territorial adapté au territoire et du réseau périnatal de région.

L’ensemble des professionnels exige régulièrement une reprise de ces travaux Interrompus par la crise COVID,, sans aucun engagement à ce jour des ministres qui se sont succédé depuis 2020.


La communauté médicale dénonce cette décision qui s’oppose à la qualité et à la sécurité des soins, dans un but électoraliste au nom d’un « accès aux soins ». Les sociétés savantes se sont exprimées dans le même sens. Nous demandons, dans l’intérêt des mères et des enfants à naître :
● l’abandon de cette mesure amorale qui met en danger les femmes et les enfants à naître
● la réouverture des discussions sur la révision du décret de périnatalité, dans des dispositions pour la qualité sécurité des soins pour tous… et non des maternités de proximité aux dépens de la qualité et la sécurité des soins.

Nous, syndicats SYNGOF, SNPHARE, SNPeH, SUdF, membres d’APH, représentants des médecins de la salle de naissance et de l’aide médicale urgente, sommes à la disposition des parlementaires et du ministre chargé de la Santé pour échanger sur l’ensemble de ces points.