Le ministre de la Santé Olivier Véran a donné le 12 mai 2022 une interview de fin de mandat à la chaîne d’information BFM TV1 : 20 minutes sur la gestion de la crise COVID, de l’hôpital public et le scandale des accidents bactériens alimentaires.
Un autosatisfecit sur la gestion du COVID avec 30% de mortalité de plus que nos voisins Allemands !
Il est regrettable que l’absence d’anticipation du début de la crise ait été occulté. L’impréparation, le manque d’équipement de protection individuelle à la première vague, ont entrainé la mort de certains de nos confrères et d’autres professionnels de santé.
Pas un mot sur le désastre de la crise ultra-marine de l’été 2021 obligeant les locaux à inventer une solution d’urgence : hospitaliser des patients dans des hôtels pour leur donner de l’oxygène.
Silence aussi sur l’impossible reprogrammation des interventions annulées depuis deux ans, après ce tsunami qui a mis l’hôpital à terre, faute de soignants, faute de recrutements et surtout faute de stratégie. L’hôpital n’était pas prêt, les professionnels comme les patients en ont subi les conséquences directes et indirectes
L’hôpital ne va pas mieux aujourd’hui, bien au contraire. Le COVID a bon dos pour expliquer la pénurie de professionnels de santé dans les hôpitaux. Certes les soignants se sont épuisés non seulement par l’énorme volume d’heures supplémentaires ou de temps de travail additionnel mais très présente avant la pandémie, n’a fait que s’accentuer : ne pas pouvoir travailler comme on l’a appris - faire le bon soin au bon moment, dans un cadre multi professionnel et multidisciplinaire - voilà ce qui mine vraiment les professionnels de santé et détruit les vocations.
Dans ce bilan, rien sur les praticiens hospitaliers. Hors, sans médecin, pas d’hôpital. Sauf à penser que l’on peut remplacer leur compétence (plus de dix ans de formation) par des professionnels formés en deux fois moins de temps, sur des champs beaucoup moins larges. Nous avons déjà dit et redit que le Ségur avait été très insuffisant : la maigre augmentation de l’IESPE (de 300 euros bruts mensuels pour un temps plein, qui travaille largement 48 heures par semaine et souvent beaucoup plus) ne compense en rien la perte de 30 % de salaire (en euros constants) sur les 20 dernières années, pas plus que n’a été revalorisée la permanence des soins. 10 % des praticiens hospitaliers sont en disponibilité : la plupart pour d’autres modes d’exercice… y compris le remplacement dans leur propre hôpital !
Ce seraient finalement les défauts d’organisation qui tuent l’hôpital, et non pas l’argent… Là encore, la loi Rist « réformant » » la gouvernance, et l’instruction « Claris » qui en découle, appellent à ce que les équipes fassent évoluer leurs organisations – dédouanant ainsi la responsabilité des tutelles, des politiques et leur absence de vision et d’ambition !
Mais comment s’organiser quand la pénurie de soignants fait qu’on les expédie comme des pions d’un endroit à l’autre de l’hôpital ou du GHT, quand le renouvellement des effectifs de praticiens hospitaliers n’est pas assuré, quand le nouveau statut, encourageant l’exercice mixte, est un facteur de désorganisation supplémentaire des plannings ? Comment s’organiser quand aucun temps n’est sanctuarisé pour le travail d’équipe médico-soignante ?
La liste est pourtant longue, et n’est pas terminée, des petits et grands services qui ferment tour à tour, faute de personnel de nuit, faute de médecins spécialistes. Dire qu’il n’y a pas de perte de chance dans ce contexte demanderait à être démontré… Comment imaginer qu’on peut soigner aussi bien, et aussi vite, avec moins ? Qui peut croire les propos rassurants du ministre ? Les services, les hôpitaux meurent un à un, la médecine de ville va mal, le système de santé n’est pas en train de « tenir », il abandonne nos concitoyens, à commencer par les plus précaires.
Le Ségur n’a en rien réglé le problème de l’hôpital public. Il n’a pas su tirer les enseignements de la « parenthèse enchantée » qu’a été l’organisation hospitalière de la première vague : à la main de professionnels de santé sur un principe d’auto-gouvernance par les « gens du terrain ».
L’hôpital public souffre de ces injonctions paradoxales qui ne peuvent le mettre qu’en échec. L’hôpital public souffre de la désorganisation institutionnalisée du dialogue social : les moyens syndicaux enfin accordés aux syndicats médicaux sont ridiculement petits (maigres ?), et les nombreux échanges avec la FHF et la DGOS apparaissent comme un simulacre de dialogue social, puisque les décisions sont prises contre l’avis
des praticiens hospitaliers.
Le nouveau président Macron a annoncé un changement de méthode, dont acte !
La seule méthode pour sauver l’hôpital public est de redonner espoir et envie aux professionnels de santé. Pour cela, il est nécessaire et urgent de renouer un véritable dialogue social avec les corps intermédiaires professionnels, permettant une co-reconstruction du système de santé.
APH sera particulièrement vigilant à la parution des annonces indispensables à
l’attractivité des carrières médicales hospitalières :
- Accession des PH nommés avant le 1er octobre 2020 à la même grille d’ancienneté (et donc la même grille salariale) que les PH néo-nommés, c’est-à-dire une bonification de 4 ans d’ancienneté pour l’ensemble des PH en poste avant cette date.
- Ouverture du chantier de la permanence des soins, promis depuis trop longtemps : revalorisation, prise en compte de la pénibilité, décompte du temps de travail.
- Réforme profonde de la gouvernance instituant notamment une démocratie sanitaire dans les services et les pôles, et un rôle décisionnaire et pas seulement consultatif de l’ensemble des membres de la CME et de la CMG pour les établissements.